Source: Radio-Canada

Publié le 6 Juin 2017

Le Zoo sauvage de Saint-Félicien renonce à prendre en charge la harde de caribous forestiers de Val-d’Or, au Québec. L’organisation en a décidé ainsi en raison des enjeux d’acceptabilité sociale qui ont été soulevés dans les dernières semaines, une décision qui réjouit écologistes et militants.

Les membres du conseil d’administration du Zoo ont décidé de se retirer du processus de transfert des caribous dans leur établissement. Le transfert, annoncé par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, devait se faire au début de 2018.

Le Zoo devait mettre les caribous sauvages en captivité et leur offrir une bonne qualité de vie et de bons soins. La directrice générale du Zoo sauvage de Saint-Félicien, Lauraine Gagnon, estime que les membres du conseil d’administration ont réfléchi pendant plusieurs semaines avant de prendre cette décision finale.

« Il y avait beaucoup d’enjeux au niveau de l’acceptabilité sociale, et je ne vous cacherai pas que le rapport du BAPE qui a été rendu vendredi dernier a un peu influencé la décision finale par rapport à ce refus. »

 Lauraine Gagnon, directrice générale, Zoo sauvage de Saint-Félicien

Trouver une nouvelle option

Le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Luc Blanchette, affirme qu’il souhaite poursuivre ses travaux dans le but de trouver une stratégie globale pour l’aménagement de l’habitat du caribou forestier. Il a affirmé que la harde de caribous devra être maintenue dans son actuel milieu naturel avant de trouver une autre option.

« Il y a eu 30 années d’efforts, d’actions qui ont été menées, qui n’ont pas porté leurs fruits, a indiqué M. Blanchette lorsqu’interrogé à l’Assemblée nationale. Il y a tout de même eu le maintien de 18 caribous forestiers, ça c’est la bonne nouvelle. S’il n’y avait pas eu ces efforts-là, ce serait tombé. Or, il y a un seuil minimum d’une cinquantaine d’individus par harde qu’il faut assurer et, vraisemblablement, nos actions n’ont pas mené [à l’atteinte de] ces objectifs-là. »

« Donc, on [n’avait] pas le choix et [c’était] exceptionnel, [c’était] vraiment un dernier recours. On a décidé de les transférer au Zoo de Saint-Félicien pour continuer l’acquisition de connaissances, mais aussi faire l’éducation du grand public. Ce qu’on souhaitait, c’était les sauver. »

 Luc Blanchette, ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs

« Dans les circonstances où le seuil sécuritaire de 50 individus n’a pas été atteint depuis 1983, mon intention de déplacer les caribous de Val-d’Or était guidée par mon désir de les protéger et d’assurer leur survie. Je suis convaincu qu’il s’agissait du moyen le plus sûr pour favoriser leur viabilité. Parce qu’il n’y a pas d’acceptabilité sociale, on n’ira pas plus loin avec ça. [Donc], on laisse tout simplement les caribous forestiers de la harde de Val-d’Or à l’état naturel, dans leur milieu sauvage. Et ils vont vivre jusqu’à tant que la harde s’éteigne », a-t-il poursuivi.

Une décision bien accueillie par les militants écologistes

Le président de l’Action boréale de l’Abitibi-Témiscamingue (ABAT), Henri Jacob, croit que ce revirement de situation démontre que le ministre Blanchette n’a pas consulté la population et qu’il doit aujourd’hui faire face aux conséquences qui découlent de sa décision.

« Pour nous, c’était une décision qui était aberrante, plaide M. Jacob. Il n’y a aucun scientifique qui était prêt à appuyer une telle décision. Il n’y avait aucune étude, malgré ses dires, pour appuyer sa décision. »

Il croit que le ministre devrait faire acte d’humilité et prendre la peine de consulter la population pour les prochaines étapes. « Ce serait de fermer des chemins et d’éviter le plus possible ce territoire-là en espérant que peut-être le miracle se produise, poursuit M. Jacob, mais c’est sûr qu’il faut arrêter de couper dans ce territoire-là. Il faut arrêter de faire des chemins qui sont ouverts aux véhicules tout terrain, etc. »

« Ça fait un an que l’Action boréale demande de scinder ce ministère-là, parce qu’à toutes les fois qu’il y a une décision à prendre, [un choix à faire] entre la conservation d’une espèce faunique versus l’exploitation d’une ressource, c’est toujours le côté exploitation [qui l’emporte]. »

 Henri Jacob, président de l’ABAT

Dans un communiqué conjoint avec Nature Québec et la Société pour la nature et les parcs (SNAP), l’Action boréale dit par ailleurs espérer « que le gouvernement sera à l’écoute des recommandations du BAPE [sur le projet minier Akasaba Ouest], notamment en réexaminant rapidement le tracé du chemin forestier EACOM afin de limiter l’impact sur les caribous ». Les trois organismes en conservation de la faune saluent également l’adhésion du public à la pétition #PasAuZoo.

Les groupes environnementaux Greenpeace et la Fondation David Suzuki ont aussi « poussé un soupir de soulagement » mardi après-midi, après avoir pris connaissance de la rétractation du Zoo sauvage de Saint-Félicien dans le dossier.