La population de la Gaspésie compte désormais 24 bêtes en enclos, soit deux fois le nombre de caribous en liberté.
Source: Alexandre Shields, Le Devoir
Publié le 10 juillet 2025
Les populations de caribous condamnées à la captivité en raison de la destruction de leurs habitats par l’activité humaine ont toutes connu des naissances en enclos cette année, mais aussi des mortalités, selon ce qui se dégage du bilan gouvernemental publié jeudi.
Les données rendues publiques permettent notamment de constater que les caribous de la Gaspésie, vestige de la dernière population vivant au sud du Saint-Laurent, seraient deux fois plus nombreux en captivité que dans la nature. Ils sont maintenant 24, contre à peine une douzaine à vivre essentiellement dans le parc national de la Gaspésie.
Au cours de la récente saison des naissances, six faons sont nés et ont survécu, alors qu’une femelle et deux faons sont morts. La croissance du cheptel en enclos se confirme donc, puisqu’ils étaient seulement 13 lors de leur capture en 2024.
La croissance est encore plus prononcée pour la population de caribous de Charlevoix, dont la totalité des 16 bêtes ont été capturées en 2022. Les cervidés au seuil de l’extinction sont désormais 39, après un ajout de cinq faons cette année. L’an dernier, cinq bêtes étaient décédées dans l’enclos, que le gouvernement compte agrandir pour gérer la croissance du nombre d’individus.
La harde de caribous dans la situation la plus critique, soit celle de la région de Val-d’Or, compte pour sa part à peine neuf bêtes, à la suite d’une naissance et d’un décès.
Mortalités
Selon le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), les mortalités en enclos sont un phénomène « courant ».
« Malgré la présence de gardiens sur place, qui observent chaque jour les caribous, ainsi que la disponibilité sept jours sur sept d’une équipe du MELCCFP et de vétérinaires prêts à intervenir en cas de besoin, les risques de mortalité périnatale des faons et des femelles persistent. Ce phénomène est courant en milieu naturel et peut également survenir en captivité, malgré les soins attentifs prodigués aux animaux », fait-il valoir dans le communiqué publié jeudi.
Le ministère ajoute que « la mise en captivité est une mesure temporaire de protection des populations de caribous en situation très précaire. Elle permet de les protéger des prédateurs et elle est complémentaire aux actions visant la conservation et la restauration de l’habitat ».
Pour le moment, il n’existe aucun plan de remise en liberté des bêtes, et ce, pour les trois hardes. Le gouvernement a promis l’an dernier des « projets pilotes » pour tenter de sauver les populations de caribous de la Gaspésie et de Charlevoix. Mais jusqu’à présent, aucun plan n’a été mis en œuvre.
Pendant ce temps, dans le cas des caribous de Charlevoix, deux phases du projet éolien Des Neiges sont une menace pour l’« aire de répartition » des caribous, qui représente un territoire où il serait nécessaire de réduire les perturbations afin de favoriser la régénération de l’habitat forestier. Les experts du gouvernement ont demandé aux promoteurs de revoir leur projet pour éviter totalement la construction d’éoliennes sur ce territoire, mais ceux-ci n’ont pris aucun engagement en ce sens.
Expert reconnu du caribou forestier, Martin-Hugues St-Laurent, professeur à l’Université du Québec à Rimouski, estime que les animaux aujourd’hui en enclos pourraient bien devoir vivre plusieurs années ainsi, le temps que les mesures de restauration des habitats soient mises en œuvre.
Il faut savoir que les caribous ont absolument besoin de vieilles forêts préservées de l’activité humaine afin de pouvoir assurer leur survie et leur alimentation, et ce, à l’abri des prédateurs, qui utilisent notamment les chemins forestiers pour se déplacer. Selon M. St-Laurent, cela représente des risques majeurs pour la survie des individus qui seraient remis en liberté, puisque ces animaux seront plus vulnérables aux prédateurs, n’ayant pas appris à vivre dans un tel environnement.
En plus des trois hardes isolées et aujourd’hui en captivité, d’autres populations de caribous au Québec sont directement menacées par les effets des coupes forestières. Selon une étude scientifique publiée l’an dernier, 11 des 13 populations de la province sont aujourd’hui à « risque » de disparition en raison des coupes menées sur des dizaines de milliers de kilomètres carrés de terres publiques


