Source: Le Devoir

Publié le 5 Avril 2019

Après que l’ancien gouvernement libéral eut décidé de les laisser tout bonnement disparaître, celui de la Coalition avenir Québec songe maintenant à lancer une opération de sauvetage des caribous forestiers de la région de la Val-d’Or. L’Action boréale a d’ailleurs confirmé au Devoir avoir eu plusieurs échanges à ce sujet avec le ministre Pierre Dufour.

Interpellé jeudi à l’entrée du caucus de la CAQ au sujet de la protection des caribous forestiers, le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs a lui-même évoqué un « projet de réintroduction de caribous » dans la région de Val-d’Or, où la harde ne compterait plus que 12 à 14 bêtes. « Ils sont menacés », a insisté M. Dufour.

Ces caribous, isolés sur un territoire de plus en plus perturbé par l’exploitation forestière et l’industrie minière, sont ceux que le gouvernement Couillard souhaitait déménager au Zoo sauvage de Saint-Félicien en 2017.

Le projet a été abandonné en raison de la controverse qu’il a suscitée. Les libéraux ont par la suite décidé de laisser les caribous de Val-d’Or disparaître, en invoquant des coûts « trop importants » pour la restauration de leur habitat.

Projet à l’étude

Le ministre Pierre Dufour réfléchit aujourd’hui aux moyens de sauvegarder ces cervidés, qui font par ailleurs partie d’une espèce considérée comme « menacée » de disparition depuis déjà plus de 15 ans.

« On regarde cela. Est-ce qu’il y a un potentiel ? Est-ce qu’il y a des acteurs qui sont prêts à penser à ça ? » a-t-il fait valoir jeudi, tout en disant avoir eu des discussions avec des représentants de l’Action boréale, un organisme qui s’est porté à la défense des caribous de Val-d’Or.

Son président, Henri Jacob, a d’ailleurs confirmé avoir eu plusieurs échanges avec le ministre Dufour à ce sujet. Il a notamment dit lui avoir expliqué le « Projet d’introduction de nouveaux caribous », en plus d’avoir remis les documents détaillant le projet à son cabinet.

L’Action boréale a aussi déposé une demande auprès du gouvernement fédéral la semaine dernière afin d’obtenir du financement provenant des fonds prévus pour la protection des milieux naturels.

Selon M. Jacob, le projet, qui s’étendrait sur une période de quatre ans, coûterait environ cinq millions de dollars. Il a du même coup rappelé que le gouvernement Legault a prévu 61,5 millions sur quatre ans pour financer diverses « mesures de protection » du caribou forestier.

Élevage de caribous

Le projet développé par l’Action boréale comporte un « emprunt » de 25 caribous adultes provenant du secteur de La Sarre. Ceux-ci, majoritairement des femelles gravides, seraient ensuite installés dans « des enclos spécialement aménagés » situés au Refuge Pageau, à Amos.

Si le projet était lancé en mars 2020, les femelles donneraient en théorie naissance à leurs faons deux à trois mois plus tard. Ces jeunes resteraient avec leur mère pendant un peu moins d’une année, comme cela est le cas dans la nature. Ils seraient ensuite transportés vers un enclos temporaire situé dans l’aire de répartition des caribous de Val-d’Or.

Après quelques semaines d’« acclimatation », les caribous seraient introduits dans la harde de Val-d’Or. Si tout se passe bien, on espère relâcher de 13 à 17 jeunes chaque année. En plus de ces nouveaux venus, on souhaite lancer un projet d’« introduction directe » de cinq caribous, afin de vérifier l’adhésion au groupe de Val-d’Or.

L’Action boréale évalue que son plan de sauvetage pourrait amener la harde « à près de 80 individus en 2023 », ce qui lui permettrait de « se maintenir à long terme dans un habitat qui serait en réhabilitation lente ».

Le projet s’appuie aussi sur l’idée de protéger un territoire d’environ 2000 km2. Cela nécessiterait de déplacer certaines parcelles d’exploitation forestière pour permettre à l’industrie de conserver le même volume de bois.

Est-ce qu’un tel plan a des chances de réussir ? Oui, affirme Henri Jacob, en rappelant qu’« un projet similaire de réintroduction a déjà été réalisé afin de reconstituer la population éteinte de caribous de Charlevoix. Cette population de caribous se maintient encore aujourd’hui 50 ans plus tard, et la réintroduction a été un succès ».