À défaut d’un plan pour protéger cette espèce menacée, le gouvernement a embauché des trappeurs de loups pour préserver la harde de caribous forestiers de Charlevoix.

Source: Geneviève Lajoie, Journal de Québec

Publié le 10 novembre


L’espèce est en déclin. Seulement 19 bêtes ont été observées dans la région en 2020, un seuil critique. Surtout que le ministre de la Forêt, de la Faune et des Parcs, Pierre Dufour, vient d’annoncer qu’il repoussait le dépôt de son plan pour assurer la survie du caribou forestier. Un délai qui risque de fragiliser encore davantage la population restante, selon les scientifiques.

En attendant, pour tenter de préserver la harde de caribous de Charlevoix, Québec construira un enclos de 20 hectares dans le parc national des Grands-Jardins qui devrait accueillir les animaux à l’hiver 2022.

Le coût de cette aventure s’annonce salé. En août, on apprenait que l’enclos pourrait coûter jusqu’à un million $. Le ministère de la Forêt, de la Faune et des Parcs vient de publier un appels d’offre pour acquérir une «petite habitation fonctionnelle à l’année de type camp/chalet/roulotte mobile et autonome pour héberger le gardien». La maisonnette devra être toute équipée «avec une salle de bain, une dinette, un espace salle à manger/détente et un coin chambre».

Mais d’ici la construction de la vaste clôture, le ministère de la Faune estime qu’il faut éliminer les loups qui menacent la harde de caribous.

Le gouvernement a confié la tâche à la Fédération des trappeurs gestionnaires du Québec pour 108 000$.

La traque a débuté le 18 octobre

Ils devront procéder à un «piégeage intensif» des loups. L’an dernier, les trappeurs recrutés par l’État avaient capturé dix canidés dans Charlevoix. Cette année, ils n’ont tout simplement pas de cible. La traque a débuté le 18 octobre.

«L’objectif du projet d’intensification de la récolte du loup est d’accroître l’efficacité des piégeurs à trapper le loup de manière à affecter la composition et le nombre de meutes en périphérie de l’habitat d’hiver des caribous et ainsi de diminuer la pression de prédation sur les caribous. (…) L’évaluation de la réussite du projet ne se mesure donc pas à un nombre de loups piégés», précise la porte-parole du ministère, Anik Martel.

Dans Charlevoix, le ministère favorise le trappage, au lieu de l’abattage ciblé héliporté, une technique qui a été utilisée en Abitibi-Témiscamingue pour protéger les hardes de caribous.

«Bien que la prédation par les loups soit un facteur de mortalité important chez la population de caribous de Charlevoix, l’abattage de loups n’est pas une mesure de protection actuellement préconisée par le MFFP. Le Ministère favorise plutôt l’intensification du piégeage dans le respect de la réglementation en vigueur», insiste Mme Martel.

Le gouvernement compte «mettre en valeur la totalité des loups piégés». En clair, le ministère veut s’assurer que les trappeurs s’occupent des carcasses et que la fourrure soit mise en marché.

Un plaster sur le bobo

Tuer des loups pour préserver les caribous, c’est comme mettre un plaster sur un bobo, estime Martin-Hugues St-Laurent, professeur au Département de biologie, chimie et géographie de l’Université du Québec à Rimouski.

«Piéger des prédateurs», c’est un «outil extrême» qui ne sera pas efficace si on ne s’attaque pas à la véritable cause du déclin de cette espèce menacée, c’est-à-dire la coupe forestière, insiste le scientifique.

«Quand on coupe la forêt, on a plus de prédateurs, dit-il. Si en plus vous ajoutez des chemins forestiers là-dedans, vous augmentez l’efficacité de chasse des loups».

La solution pour protéger ce qui reste de la population de caribou, c’est de ne pas perturber les immenses massifs de forêt et de le faire dès maintenant, renchéri M. St-Laurent.

«Vous allez enlever des loups pour toujours et vous ne verrez pas d’effet sur le caribou si vous continuer à rajeunir la forêt. On est dans une opération de poudre aux yeux vis-à-vis du grand public».

CARIBOUS FORESTIERS DANS CHARLEVOIX

19 caribous ont été observés dans la région en 2020 ; ils doivent être placés en enclos à l’hiver 2022.

  • Loups piégés comme mesure préventive pour protéger les hardes de caribous dans Charlevoix :
  • 2020 : 10 loups
  • 2021 : le ministère n’a pas fixé de cible aux trappeurs.

CARIBOUS FORESTIERS EN ABITIBI-TÉMISCAMINGUE 

Le troupeau ne compte plus que 7 caribous, qui ont été placés en enclos l’an dernier.

Loups abattus comme mesure préventive pour protéger les hardes de caribous en Abitibi-Témiscamingue :

2011 : 10 loups

2012 : 10 loups

2013 : 7 loups

2014 : 1 loup

2015 : 0

2016 : 8 loups

2017 : 3 loups

2018 : 8 loups

2019 : 8 loups

2020 : 2 loups