Source: Le Devoir
Publié le 1 Novembre 2017
Le caribou forestier poursuit son déclin partout au pays, y compris au Québec, constate Environnement Canada. Le fédéral souligne d’ailleurs qu’aucune province n’a élaboré les plans de protection nécessaires pour freiner la destruction de l’habitat essentiel de cette espèce menacée de disparition.
« Certains progrès ont été réalisés dans le rétablissement du caribou boréal, mais après cinq ans, la population globale de l’espèce continue son déclin à cause de l’augmentation des perturbations de son habitat », peut-on lire dans le résumé du premier rapport d’étape sur la mise en oeuvre du programme fédéral de rétablissement de l’espèce, publié mardi.
« Il faut en faire davantage pour favoriser le rétablissement du caribou boréal, y compris en mettant en place des plans par aires de répartition, ou documents similaires, robustes », soulignent aussi les auteurs du rapport. Une demande formulée depuis plusieurs années par les groupes environnementaux qui réclament une meilleure protection de cette espèce.
Provinces
Le caribou boréal, qu’on retrouve dans la forêt boréale et dont les différentes populations sont présentes dans neuf provinces et territoires, est inscrit comme espèce « menacée » en vertu de la Loi sur les espèces en péril du Canada. Mais comme les cervidés vivent surtout sur des terres provinciales, la gestion des différentes aires de répartition du caribou relève principalement des provinces et des territoires.
Or, les provinces, dont le Québec, n’en font pas assez pour freiner le déclin continu du caribou boréal. Même si elles ont eu cinq ans pour « élaborer » des plans de protection de l’habitat essentiel de l’espèce, elles n’ont pas été en mesure de respecter l’échéancier fixé par le fédéral.
« Le Québec prévoit avoir terminé le deuxième volet de son plan d’action provincial d’ici le printemps 2018 », souligne notamment le rapport publié mardi par Environnement et Changement climatique Canada. Ce volet comprend l’élaboration d’une stratégie à long terme pour l’aménagement de l’habitat.
Habitat perturbé
Parmi les priorités déterminées par les autorités fédérales, les provinces doivent impérativement mettre en place des mesures afin de s’assurer qu’au moins 65 % de l’habitat du caribou est « non perturbé ». Au-delà de ce seuil, le rétablissement de l’espèce est tout simplement compromis.
Or, les données du gouvernement fédéral sur les différentes aires de répartition (dont la harde de Val-d’Or) au Québec indiquent que l’habitat du caribou est de plus en plus perturbé. À l’heure actuelle, le territoire de cinq de six hardes identifiées comme étant « en déclin » ou « stable » ne respecte pas le seuil de 65 % de l’habitat non perturbé.
Dans tous les cas, la perturbation a augmenté entre 2012 et 2017. À titre d’exemple, l’habitat de la harde de Charlevoix est passé d’un taux de perturbation de 80 % à 82 %. Pendant ce temps, la harde est passée de « stable » à « en déclin ». Elle compte moins de 100 têtes.
Dans la vaste majorité des cas, les perturbations d’origine humaine représentent la principale cause de perturbation de l’habitat. Il faut dire que les secteurs fréquentés par le caribou sont particulièrement touchés par le développement forestier, mais aussi les projets miniers et la construction de routes.
Inaction
Réagissant à la publication du rapport par son ministère, la ministre Catherine McKenna a souligné l’« importance » de cette espèce, notamment comme « indicateur clé de la santé de la forêt boréale ».
« Son déclin soutenu est une source de préoccupations et a des conséquences pour nous tous. Je suis résolue à protéger l’espèce aux termes de la Loi sur les espèces en péril et je reconnais qu’un niveau sans précédent d’engagement et de collaboration est nécessaire pour assurer le rétablissement de cette espèce », a-t-elle fait valoir, par voie de communiqué.
Pour Greenpeace, le rapport fédéral démontre le manque de volonté des provinces pour la protection de ces cervidés. « Ce rapport confirme le fait que la perturbation de l’habitat du caribou forestier augmente en raison de l’inaction des gouvernements provinciaux qui ne font pas le nécessaire pour protéger et sauver cette espèce menacée », selon Olivier Kolmel, chargé de la campagne forêt chez Greenpeace Canada.
L’organisation écologiste estime en outre que la protection de l’habitat essentiel du caribou forestier permettrait au Canada de « respecter ses engagements » internationaux en vertu de la Convention sur la diversité biologique en assurant la protection de 17 % de son territoire et de ses eaux intérieures d’ici 2020.
La Fondation David Suzuki, qui a publié mardi un rapport qui démontre la croissance des perturbations de l’habitat du caribou, demande aux gouvernements d’agir sur cet enjeu. « Si les provinces négligent de mettre en place de telles mesures, le gouvernement fédéral doit utiliser les outils prévus dans la Loi sur les espèces en péril pour constituer un filet de sécurité pour cette espèce menacée », a fait valoir sa porte-parole, Louise Hénault-Ethier.
La Fondation David Suzuki a d’ailleurs rappelé que le gouvernement Couillard avait décidé, plus tôt cette année, de transférer les derniers caribous de Val-d’Or au Zoo de Saint-Félicien, une décision qui a finalement été annulée. Mais la construction d’une route au coeur de l’habitat de la harde, à la faveur de l’industrie forestière, est toujours prévue. Et un projet minier devrait aussi y voir le jour.
En rappelant que les coupes forestières progressent toujours plus vers le nord du Québec, la Société pour la nature et les parcs a plaidé pour la création d’une aire protégée dans le secteur des montagnes Blanches, situé au nord du Lac-Saint-Jean.