Plusieurs lois québécoises ont un impact sur la protection des espèces menacées.
Publié le 19 novembre 2021
Sources: Guillaume Roy, Le Soleil
Au Québec, la Loi sur les espèces menacées et vulnérables s’applique pour les plantes et elle est gérée par le ministère de l’Environnement. Pour la faune, c’est plutôt la loi sur la Loi conservation et la mise en valeur de la faune qui s’applique, sous l’égide du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs. De plus, le Règlement sur les habitats fauniques, qui régit les mesures légales pour protéger les espèces menacées, ne s’applique pas sur les terres privées au Québec, une aberration selon Alain Branchaud.
La Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune est claire, en disant que nul ne peut détruire un élément physique, chimique ou biologique d’un habitat faunique d’une espèce menacée, note le directeur de la SNAP Québec. «En termes d’énoncé de protection, tu ne peux pas avoir mieux», dit-il.
Dans le Règlement sur habitats fauniques, les choses se compliquent, car on retrouve une quarantaine d’exceptions au principe de ne rien détruire. Il est par exemple interdit de faire de l’exploration minière «dans un habitat d’une espèce faunique menacée ou vulnérable autre que celui du caribou des bois». «On interdit de détruire l’habitat d’une espèce en péril, puis on le permet en faisant une exception, s’insurge Alain Branchaud. Au final, on finit par permettre à peu près n’importe quoi dans ces règlements-là», dit-il, en ajoutant que ces lois doivent être modernisées pour mettre en place un réel filet de sécurité pour les espèces menacées.
La loi sur les espèces en péril : l’ultime recours
Au fédéral, c’est la Loi sur les espèces en péril qui est en vigueur. Cette loi souligne qu’«il est interdit d’endommager ou de détruire la résidence d’un ou de plusieurs individus soit d’une espèce sauvage inscrite comme espèce en voie de disparition ou menacée». Cette disposition est en vigueur pour les espèces aquatiques et pour les oiseaux migrateurs partout au pays. Dans les provinces et territoires, le gouvernement peut imposer le respect de la loi par décret, comme ce fut le cas dans le dossier de la rainette faux-grillon, en 2016, et récemment en 2021.
Peu importe quelle loi est en cause, les poursuites judiciaires sont les derniers recours pour permettre de protéger une espèce en péril. «C’est parfois la seule option quand toutes les autres approches de protection et de maintien de la biodiversité ont échoué», note Jean-François Girard.
Ce dernier compare la situation à une «bataille de loser», quand le ministère de l’Environnement faillit à sa tâche, et que le fédéral, qui a le pouvoir d’imposer des mesures de protection, n’agit pas lui non plus. «Quand les mécanismes de l’État fonctionnent plus ou moins, voire pas du tout, des groupes environnementaux ont été forcés d’interpeller les tribunaux pour que l’organe étatique assume pleinement ses responsabilités, pour que l’État respecte les lois.»
Michel Bélanger croit aussi que les recours judiciaires reflètent l’échec des lois et des mécanismes en place pour protéger les espèces en péril. «C’est odieux que de voir que ce sont des citoyens qui doivent voir à l’application des lois sur les espèces en péril, dit-il. En appliquant mollement la loi, voire pas du tout, le gouvernement lance comme message que c’est interdit, mais que ce n’est pas très grave de ne pas la respecter.» Pourtant, la Loi sur les espèces en péril est claire, en stipulant qu’on ne peut pas détruire l’habitat d’une espèce en péril, ajoute ce dernier.
Si les gouvernements n’aiment pas les lois en vigueur, ils doivent changer la loi, poursuit-il, car «nul n’est censé ignorer la loi», dans une société de droit comme la nôtre.
David contre Goliath
Selon Marc Bishai, avocat au Centre québécois du droit de l’environnement, les poursuites intentées par les groupes environnementaux et citoyens contre les gouvernements ressemblent beaucoup à la bataille de David contre Goliath.
«D’un point de vue juridique, ce sont des dossiers difficiles, car l’autorité publique est présumée de juger adéquatement un bien public», dit-il. De plus, les groupes environnementaux, qui reçoivent des dons citoyens, ont beaucoup moins de ressources que les autorités publiques ou les promoteurs privés.
Au bas mot, une telle poursuite coûte au moins 25 000$, et les coûts peuvent monter en flèche, notamment s’il y a des appels.
Malgré de petits moyens, la majorité des poursuites de groupes environnementaux ont été victorieuses au cours des dernières années. «Ça démontre que le gouvernement a failli à sa tâche», dit-il. Ces batailles juridiques ont donc forcé les autorités publiques à modifier leur comportement.