Le dépôt constamment reporté par Québec de sa stratégie de protection du caribou provoque l’impatience d’Ottawa, qui brandit à nouveau la menace d’intervenir unilatéralement pour protéger l’habitat de cette espèce menacée, sans toutefois préciser de date butoir.
« Force est de constater que le gouvernement du Québec tarde à agir », a déploré le ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, en marge d’une conférence de presse, lundi à Montréal.
« Ça ne va pas se régler tout seul, ce problème-là ; le temps n’est pas notre allié, bien au contraire », a-t-il dit, rappelant que la loi l’oblige à protéger le caribou et les autres espèces en péril.
Ottawa pourrait ainsi adopter un décret pour protéger tout un pan de l’habitat du caribou au Québec, interdisant de facto les activités industrielles comme les coupes forestières, principales responsables du déclin du cervidé, une menace qu’Ottawa avait déjà brandie au début de 2023.
« S’il n’y a aucun geste concret de la part du gouvernement du Québec, je n’aurai d’autre choix », a déclaré le ministre Guilbeault, sans s’avancer sur un échéancier précis.
Il n’y a pas de date butoir, mais [il faut que ce soit dans] un avenir prochain.
Steven Guilbeault
Ottawa avait accepté que Québec retarde la publication prévue en juin 2023 de sa stratégie de protection du caribou en raison de l’ampleur historique des incendies de forêt qui ont ravagé le Québec à ce moment.
« Mais là, ça fait quand même longtemps, la prochaine saison des incendies de forêt arrive et on n’a toujours pas ce plan-là. Il va falloir qu’il se passe quelque chose bientôt », s’est impatienté le ministre, rappelant que le gouvernement québécois s’est engagé à protéger 65 % de l’habitat critique du caribou.
Déplacer les caribous « ne règle rien »
Steven Guilbeault accueille avec tiédeur le projet de « supplémentation » du gouvernement québécois, qui prévoit capturer six caribous dans le Nord-du-Québec pour les introduire dans la harde de Val-d’Or, qui vit maintenant en enclos, comme le rapportait La Presse lundi.
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Cette opération a pour objectif de favoriser la croissance de cette harde, qui ne compte plus que neuf individus, en évitant de possibles enjeux de diversité génétique.
« Ce qu’on cherche à protéger, c’est bien sûr le caribou, mais c’est aussi son habitat, a réagi le ministre. Déplacer le caribou, je veux bien, mais c’est l’écosystème qu’on doit chercher à protéger. »
Déplacer le caribou, ça ne règle rien, c’est un enjeu écosystémique.
Steven Guilbeault
Le caribou est une espèce « qui est un indicateur de l’état d’un écosystème » et de tout ce qui en dépend, y compris les activités industrielles comme les coupes forestières, a souligné M. Guilbeault.
« On ne peut pas penser avoir une forêt en santé, avoir un secteur forestier sain au Québec ou ailleurs au Canada, si les espèces qui sont des indicateurs de la santé de ces écosystèmes déclinent », a déclaré le ministre.
« Si le caribou ne se porte pas bien, c’est parce que l’écosystème forestier ne se porte pas bien », a-t-il ajouté.
Le cabinet du ministre québécois de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette, n’avait pas encore rappelé La Presse au moment de publier ces lignes.
Le ministre Guilbeault était à Montréal pour annoncer un investissement de 1,5 million de dollars pour financer des initiatives de protection des espèces en péril au Québec.