Le regroupement citoyen Solidarité Gaspésie demande un moratoire sur tous les travaux sylvicoles et forestiers dans l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie, ainsi que l’implantation d’un projet pilote d’élevage et de réintroduction en collaboration avec le Bioparc.

Publié le 24 mai 2022

Source : Jean-Philippe Thibault, Gaspésie Nouvelles


Ces doléances à brève échéance sont issues de leur mémoire récemment déposé auprès de la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards. Solidarité Gaspésie estime qu’un conflit d’usage territorial est au cœur du débat et note « l’influence démesurée de l’industrie forestière sur la gestion des terres publiques en Gaspésie ». L’industrie fournirait 2% des emplois et du PIB régional, mais le ministère de la Forêt, de la Faune et des Parcs (MFFP) contrôlerait environ 70% du territoire gaspésien au bénéfice avant tout de cette industrie, rappelle le regroupement citoyen.

« Le déséquilibre entre le pouvoir conféré à cette industrie et sa contribution effective au développement socioéconomique de la Gaspésie est flagrant. En conférant ainsi un tel pouvoir à une seule industrie, le MFFP freine le développement d’autres secteurs, par exemple l’acériculture et le récréotourisme », soulignent conjointement Eileen Jessop et Carol Saucier, deux membres de Solidarité Gaspésie.

Ces derniers considèrent que la sauvegarde du caribou pourrait servir de bougie d’allumage pour un virage vers une économie plus résiliente, plus participative, plus durable et plus prospère.

À long terme, le gouvernement du Québec est invité à protéger les forêts anciennes et à mettre en place un nouveau modèle de gestion du territoire gaspésien qui pourrait servir de prototype de participation citoyenne. « En particulier une réduction de la surface globale allouée à l’industrie forestière, et conséquemment une remise en état des massifs forestiers dans un réseau connecté et intégré à travers la Gaspésie, et l’officialisation des aires protégées déjà proposées, dans l’optique d’une vision du territoire de la Gaspésie d’ici 50 ans et plus », précise Solidarité Gaspésie.

Dans l’éventualité d’une réduction de surface allouée à l’industrie forestière qui entraînerait des pertes d’emplois, des indemnisations et des programmes de requalification professionnelle aux travailleurs touchés pourraient être offertes.

Projet pilote à Bonaventure

Le biologiste Serge Couturier, un des rares à avoir eu la chance de travailler sur les trois écotypes de caribous du Québec (migrateur, forestier et montagnard), a lui aussi présenté un mémoire à la Commission, qui explique notamment plus en détail son plan de réintroduction tel que présenté au MFFP en septembre 2021, en collaboration avec des chercheurs universitaires.

Est proposé de capturer et de mettre en enclos un stock reproducteur de 20 caribous (17 femelles, 3 males) pour en faire l’élevage à Bonaventure pendant trois ans. Le Bioparc serait mis à contribution. Les adultes seraient ensuite ramenés en nature alors que les caribous juvéniles nés en captivité seraient réintroduits sur les sommets des Chic-Chocs chaque mois de mai pendant trois ans lorsqu’ils seraient âgés de 11 mois. Les prédateurs seraient contrôlés pendant la réhabilitation graduelle.

Serge Couturier, qui a œuvré à la gestion et la recherche sur le caribou jusqu’à son départ du gouvernement en 2012 après 27 ans de services, estime que le stock reproducteur pourrait produire jusqu’a une quinzaine de faons par année.

« On pourrait ainsi renverser la tendance du déclin de la population avec l’objectif à moyen terme de revenir a près d’une centaine de bêtes. Il faut sortir rapidement cette population du spectre de la disparition », note-t-il dans son mémoire.

C’est ce projet que Solidarité Gaspésie veut voir se concrétiser le plus rapidement possible.