Le ministre québécois des Forêts, de la Faune et des Parcs, Pierre Dufour, « devra faire mieux que ce qu’il fait présentement » pour la protection du caribou, affirme le ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault.

Publié le 9 février 2022

Source: Jean-Thomas Léveillé, La Presse


« C’est excessivement clair pour nous », a-t-il déclaré au cours d’une conférence de presse portant sur la modernisation de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement.

Questionné sur les mesures qu’il entendait prendre si Québec n’accentue pas la protection des caribous forestiers et montagnards, comme il l’a demandé récemment, le ministre Steven Guilbeault a d’abord répondu préférer « de loin que les provinces fassent ce qu’elles ont à faire d’elles-mêmes ».

Toutefois, « en dernier recours », Ottawa pourrait par exemple mettre fin à des travaux forestiers menaçant l’habitat du caribou, comme il l’a fait pour la rainette faux-grillon de l’Ouest, a-t-il illustré.

Nous avons ces outils-là, nous avons démontré que nous sommes prêts à les utiliser si les provinces ne sont pas prêtes à faire ce qu’elles doivent faire.

Steven Guilbeault, ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique

Plus tôt dans la journée, le ministre Pierre Dufour s’était défendu de ne pas en faire assez pour protéger les caribous.

« Je pense qu’il y a beaucoup de choses qu’on a faites depuis le début », a-t-il dit à son arrivée au Conseil des ministres.

Je m’excuse, là, mais juste les enclos de protection pour le bien-être animal des populations isolées, au niveau de nos caribous [de] Val-d’Or, Charlevoix, Gaspésie, je pense que c’est un beau travail qui a été fait jusqu’à présent. Ça permet même aussi des maternités.

Pierre Dufour, ministre québécois des Forêts, de la Faune et des Parcs

Cette déclaration du ministre Pierre Dufour lui a valu les remontrances de son homologue fédéral.

« De simplement réciter ce qu’on fait déjà en sachant que c’est inadéquat, ce n’est pas du progrès pour moi, clairement », a asséné Steven Guilbeault.

Reconnaissant que certaines actions étaient menées par Québec pour protéger le caribou, Steven Guilbeault a cependant souligné que « selon l’avis même des scientifiques du ministère de M. Dufour, c’est insuffisant », faisant référence à une revue de littérature commandée par le ministre Dufour.

« Et c’est la conclusion à laquelle nous sommes arrivés, à laquelle nos scientifiques sont arrivés, au gouvernement fédéral », a-t-il ajouté.

Modernisation de la loi

Le ministre Steven Guilbeault annonçait mercredi le dépôt au Sénat du projet de loi S-5 visant à moderniser la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE), qui n’a pas été révisée depuis plus de 20 ans.

« Ce projet de loi enchâsserait pour la première fois dans la législation fédérale le droit à un environnement sain », a vanté le ministre fédéral, en conférence de presse.

Le projet de loi veut aussi favoriser la transition vers des produits chimiques plus sécuritaires pour l’environnement et la santé et proposerait une gestion améliorée des substances toxiques présentant les risques les plus élevés.

La LCPE ainsi modifiée « exigerait que les évaluations des risques tiennent compte de l’exposition réelle des effets cumulatifs des substances sur les individus ou l’environnement », a expliqué le ministre.

« Le projet de loi vise à fournir une loi sur la protection de l’environnement qui se penche sur les enjeux complexes du XXIe siècle avec la science du XXIe siècle », a souligné le ministre Steven Guilbeault.

Agir rapidement

Le projet de loi S-5 est le même qui avait été déposé à la Chambre des communes en avril 2021, portant alors le numéro C-28, mais qui était mort au feuilleton en raison du déclenchement de la campagne électorale – il a été déposé au Sénat en premier cette fois parce le calendrier législatif de la chambre haute était moins chargé que celui de la Chambre des communes.

Même si certains appelaient à son amélioration avant qu’il soit déposé à nouveau, le ministre Steven Guilbeault a préféré agir rapidement.

« Dans un gouvernement minoritaire, dans un Parlement comme le nôtre, le temps n’est pas un allié », a-t-il dit, se disant toutefois « très ouvert » aux propositions de modifications qui pourraient être faites durant son étude.

Une coalition de groupes environnementaux a d’ailleurs réagi au dépôt du projet de loi en appelant à son renforcement et à son adoption « sans délai », rappelant qu’il y a maintenant cinq ans que le Comité permanent de l’environnement et du développement durable a recommandé le renforcement de la LCPE.

« Les substances chimiques toxiques trouvées dans l’air, l’eau, la nourriture et les produits menacent les Canadiens et Canadiennes et il est grand temps qu’on améliore la réglementation prévenant les préjudices à notre santé et à l’environnement », a déclaré dans un communiqué Cassie Barker, de l’organisation Environmental Defence.

« Lorsqu’il faut agir pour prévenir des dommages environnementaux, par exemple en réduisant les gaz à effet de serre ou en interdisant le plastique, c’est fait dans le cadre de cette loi, a-t-elle ajouté. Plus elle est forte, mieux nous pourrons faire face aux problèmes de pollution les plus urgents. »