Source: Marie-Michèle Bourassa, Radio-Canada

Publié le 1er août 2023


Un sondage commandé par des chercheurs de l’Université Laval montre un soutien majeur de la population pour la protection du caribou forestier, même si cela devait se solder par des pertes d’emplois.

Daniel Fortin, de la Faculté des sciences et de génie, et Jérôme Cimon-Morin, de la Faculté de foresterie, affirment que les actions du gouvernement dans ce dossier ne vont pas dans le sens souhaité par la population.

On a obtenu un taux de soutien de la protection du caribou de plus de 80 %.

Une citation de Jérôme Cimon-Morin, professeur à la Faculté de foresterie de l’Université Laval

L’analyse du sondage des professeurs révèle que 47 % des répondants savent que les populations de caribou sont en déclin au Québec et qu’une fois informés de la situation, 64 % des répondants pensent que le gouvernement n’en fait pas assez pour protéger l’habitat de ce cervidé.

Pour essayer d’expliquer nos résultats, on a départagé les répondants en fonction de s’ils venaient d’une région où le caribou est présent, donc où il peut y avoir par exemple des impacts sociaux économiques sur la foresterie liés à son rétablissement, versus des répondants qui sont dans les grands centres, dans des régions où il n’y a pas de caribous, par exemple la région de Montréal, a ajouté M. Cimon-Morin. Ce qu’on remarque, c’est que ce facteur-là était le facteur le plus important pour expliquer les différences dans les résultats mais que le soutien pour la conservation restait pratiquement similaire à celui qu’on obtenait quand on mettait tous les répondants ensemble.

Méthodologie

Le sondage de l’Université Laval a été mené auprès de 1000 personnes dont la provenance est divisée selon le pourcentage de population qui vit dans les grands centres et dans les régions. Les répondants ont pu remplir le sondage entre le 9 et le 14 septembre 2022.

Au Québec, la forêt publique appartient aux Québécois, a assuré le professeur à la Faculté de foresterie de l’Université Laval. Est-ce qu’il faut prendre l’opinion de tous les Québécois pour gérer la forêt? Est-ce qu’il faut prendre l’opinion de juste les communautés locales? Il y a un débat à avoir là-dessus. Notre étude ne répond pas à ces questions-là, bien entendu, mais on pose des questions, on soulève des questions, on amène un peu de nouvelles informations.

Impact sur l’industrie forestière

Dans le sondage, les répondants devaient se prononcer sur les deux scénarios hypothétiques présentés à la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards, qui a siégé à partir de mars 2022.

Le premier scénario proposait une baisse de 2,5 % du volume de bois alloué à l’industrie entre 2023 et 2028. Cette diminution entraînerait la perte de 841 emplois dans le secteur forestier, mais elle permettrait de maintenir une partie des populations de caribous à un niveau viable. Le deuxième scénario prévoyait une légère hausse des coupes et le maintien du nombre d’emplois, mais il conduisait à la disparition de trois populations de caribous forestiers, soit celles de Val-d’Or, de Charlevoix et de Pipmuacan.

Deux caribous s'affrontent.
Plus de 80 % des répondants au sondage sont en faveur de la protection du caribou forestier, même si cela implique de nombreuses pertes d’emplois dans le domaine forestier. Photo : ISTOCK

Le premier scénario a reçu l’appui de 36 % des personnes répondantes, alors que le second scénario a récolté seulement 10 % des appuis. La plus grande proportion, soit 41 %, a jugé que les deux scénarios étaient insuffisants et que le gouvernement devait en faire plus, même si des pertes d’emplois devaient s’ensuivre.

Au final, la Commission a rejeté le second scénario dans son rapport déposé en août dernier.

Report du dépôt de la stratégie de protection du caribou

À Québec, le gouvernement a obtenu un délai de la part d’Ottawa pour repousser le dépôt de sa stratégie de protection du caribou forestier en raison des feux de forêt. Le plan devait initialement être remis en juin. Selon le ministre de l’Environnement et Changement climatique, Steven Guilbeault, le gouvernement provincial devrait déposer sa stratégie dans quelques mois.

J’ai parlé à M. Charette il y a peut-être deux semaines environ et on a convenu ensemble qu’effectivement, compte tenu de la saison des feux de forêt, que Québec avait besoin d’un peu plus de temps, a affirmé le ministre en conférence de presse. On doit se reparler à la fin du mois, fin août, début septembre, pour voir de façon un peu plus précise quel sera l’échéancier.

Steven Guilbeault laisse planer la menace de faire intervenir le gouvernement fédéral dans ce dossier depuis plusieurs mois. En février dernier, il avait indiqué qu’il pourrait avoir recours à un décret s’il jugeait que la stratégie de Québec ne serait pas suffisante.

En vertu de la Loi sur les espèces en péril du Canada, à laquelle le caribou boréal est assujetti, un tel décret pourrait signifier une prise de contrôle du fédéral sur de vastes pans du territoire québécois afin d’en protéger les habitats propices à ce cervidé. Les usages comme l’exploitation économique de la forêt en seraient alors affectés.