Selon l’organisme, la protection de la faune et l’industrie forestière ne devraient pas être chapeautées par le même ministère.

Source: David Rémillard, Radio-Canada


Tant et aussi longtemps que des intérêts contraires s’opposeront au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, il sera impossible d’assurer une conservation adéquate de la faune et de la biodiversité, selon la Société pour la Nature et les Parcs (SNAP Québec).

La mise en enclos de la harde de caribous de Charlevoix, dès l’hiver prochain, est un autre constat d’échec en conservation de la faune au Québec, selon Alain Branchaud, directeur de la SNAP Québec.

Comme la harde de Val-d’Or l’an dernier, la harde de Charlevoix sera forcée à la vie en captivité après un déclin spectaculaire de sa population. Le MFFP l’a confirmé vendredi et n’a pas hésité à qualifier la mesure d’avant-gardiste.

Un propos fort de café au goût d’Alain Branchaud. C’est pas avant-gardiste, c’est plutôt rétrograde comme façon de faire les choses, réplique le biologiste. La mise en enclos est selon lui une mesure de dernier recours qui démontre que trop peu a été fait pour protéger l’animal et son écosystème. On est dans une situation où la science nous invite à protéger l’habitat.

Martin-Hugues Saint-Laurent, professeur à l’Université du Québec à Rimouski et spécialiste du caribou, a tenu des propos similaires au cours des deux dernières années au sujet des hardes en péril. Les gouvernements n’ont pas beaucoup de leadership pour décider de conserver de grands placards d’habitat commercial et de freiner les coupes forestières, pense-t-il.

Les caribous ne sont pas suffisamment protégés par l’État au profit de l’industrie forestière, selon de nombreux biologistes.

Gouvernance insoutenable

Le nœud du problème, selon la SNAP Québec, concerne les mandats du MFFP, qu’elle juge contradictoiresLe gouvernement du Québec a une gouvernance au niveau de la protection du caribou et de la foresterie qui est insoutenable, affirme son directeur.

M. Branchaud déplore que l’industrie semble souvent supplanter les intérêts de conservation au sein du ministère. Lors de ses interventions publiques, le biologiste parle régulièrement du ministère pour les forêts, contre la faune et contre les parcs.

On ne peut pas avoir un même ministre, un même ministère, qui a à la fois la responsabilité de favoriser l’industrie forestière et d’autre part de protéger le caribou. Les décisions dans une direction défavorisent automatiquement l’autre mission du ministère.

Alain Branchaud, directeur général, SNAP Québec

Alain Branchaud va encore plus loin. Il est temps de se poser la vraie question : est-ce que la foresterie au Québec est bénéfique pour la société?, lance-t-il. Si on prenait le temps de répondre de façon rigoureuse à cette question-là, il est persuadé que la balance pencherait en faveur de la protection du caribou et de son habitat.

L’organisme croit que la foresterie devrait relever du ministère des Ressources naturelles, alors que la protection faunique et des écosystèmes devrait être rapatriée au ministère de l’Environnement.

Les deux responsabilités ont longtemps été séparées au Québec. La version actuelle du MFFP a été mise sur pied en 2014, à la suite du scindement du ministère des Ressources naturelles et de la Faune.

Immobilisme

La mise en clos des caribous de Charlevoix et de Val-d’Or, et des femelles de la harde de la Gaspésie, sont également un triste rappel de l’immobilisme des gouvernements qui se sont succédé, selon la SNAP Québec.

Dans les 20 dernières années, on a eu des plans d’action, on a eu des programmes de rétablissement, on a eu différentes stratégies. […] À chaque fois, ça reste des paroles et on ne met pas vraiment ça en œuvre, dénonce M. Branchaud.

Ce sera bientôt au tour de la Coalition avenir Québec de déposer son propre plan de protection de l’habitat du caribou forestier. Une stratégie qu’elle devait présenter en 2019, mais qu’elle a finalement repoussé à la fin de son mandat.

Devant les pressions et l’état critique des populations de Val-d’Or, de Charlevoix et de la Gaspésie, le ministre Pierre Dufour a récemment promis de la dévoiler d’ici la fin de l’année.

Le ministre endosse

Invité à réagir spécifiquement sur la mise en enclos des caribous de Charlevoix, le cabinet du Pierre Dufour s’est limité à endosser la décision du ministère. Les mesures intérimaires ont toujours pour objet de protéger et d’apporter les soins nécessaires à l’espèce, a-t-on indiqué par écrit.

Il n’a pas été possible d’avoir de détails sur la stratégie de protection de l’habitat du caribou forestier. Nous ne ferons pas d’autres commentaires pour le moment. Le ministre aura l’occasion de s’exprimer sur la question dans quelques temps, a-t-on ajouté au cabinet.