Publié le 30 novembre 2021
Source: Le Quotidien

OPINION / Il ne fait aucun doute que la question de la conciliation des usages de la forêt à l’enjeu de conservation des populations de caribous forestiers représente un défi particulièrement difficile à relever pour plusieurs provinces canadiennes, dont le Québec. Le débat est polarisé, les enjeux politiques, économiques et environnementaux sont grands, et parfois, malheureusement, l’information véhiculée n’est pas exacte, que ce soit par omission ou de manière délibérée. Dans sa lettre d’opinion publiée le 26 novembre 2021, M. Luc Simard, président par intérim d’Alliance forêt boréale, souhaite «rétablir les faits sur le caribou». Or, les informations rapportées sont souvent inexactes et témoignent d’une compréhension incomplète de la réalité du caribou en forêt aménagée au Québec.

En réponse à la lettre d’opinion de Luc Simard, président par intérim d’Alliance forêt boréale, par Martin-Hugues St-Laurent, professeur titulaire en écologie animale à l’Université du Québec à Rimouski, Daniel Fortin, professeur titulaire en écologie animale à l’Université Laval, et Pierre Drapeau, professeur titulaire en écologie animale à l’Université du Québec à Montréal, chercheurs sur le caribou et membres de l’Équipe de rétablissement du caribou forestier du Québec

Prétendre que le Québec protège adéquatement le caribou forestier parce qu’un plan de rétablissement est déployé sur son territoire est inexact. Il est vrai que le Québec s’est doté d’une série de plans de rétablissement du caribou forestier au fil des ans, par l’implication bénévole de plusieurs intervenants aux travaux de l’équipe de rétablissement du caribou forestier (dont nous sommes membres depuis plus de 15 ans). Cependant, entre «avoir un plan», l’appliquer efficacement sur le territoire et en voir les retombées concrètes sur le rétablissement et l’atteinte de l’autosuffisance des populations de caribous, il y a un pas qui n’est toujours pas franchi. La rédaction ou la mise en œuvre des plans ont malheureusement trop souvent fait l’objet de compromis socioéconomiques qui limitent leur efficacité à freiner et renverser le déclin, ou présentent des cibles prometteuses qui sont laissées de côté en raison des impacts socioéconomiques appréhendés. C’est sur la base des tendances démographiques des populations de caribous qu’on peut mesurer l’efficacité d’un plan, pas sur la simple existence d’un plan, contrairement à ce qu’affirme M. Simard.

Bien entendu, rétablir les populations de caribous aura des impacts quant à la possibilité forestière allouable à l’industrie, puisque tant le caribou que l’industrie forestière ont besoin des grandes forêts matures pour se maintenir. Toutefois, présenter la perte potentielle de possibilité forestière estimée par le bureau du Forestier en chef comme «preuve» qu’on protège adéquatement le caribou ne tient pas la route sur le plan scientifique, et ne pourrait constituer une mesure concrète de l’efficacité de la protection de l’habitat du caribou.