Publié le 15 juin 2022
Souce : Alexandre Shields, Le Devoir
Les hardes de caribous de Val-d’Or et de Charlevoix, qui vivent en captivité, comptent désormais un total de six nouveaux caribous, a appris Le Devoir. Cinq faons sont notamment nés au cours des dernières semaines dans la harde de Charlevoix, placée en captivité l’hiver dernier, mais un est décédé. Ces populations pourraient toutefois être éventuellement condamnées à la disparition, selon un scénario analysé par la Commission indépendante sur les caribous mise en place par le gouvernement Legault.
Selon les informations fournies par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP), la très petite harde de Val-d’Or, placée en captivité en 2020, compte maintenant neuf bêtes.
Deux caribous sont nés à la fin du mois de mai, après une première naissance l’an dernier. « Les mamans et les faons se portent bien et ont d’ailleurs pu être observés, tous les quatre, aux mangeoires au cours des derniers jours », précise le ministère.
Dans Charlevoix, où les 16 derniers caribous de cette harde isolée ont été placés en captivité l’hiver dernier dans un enclos de 0,2 km2, cinq faons sont nés au cours des dernières semaines et deux autres femelles sont toujours gestantes. Un jeune caribou est toutefois mort quelques jours après sa naissance. « L’animal fera l’objet d’une expertise afin de déterminer la cause de sa mortalité », a précisé mercredi le MFFP.
Hardes sacrifiées ?
Tant à Val-d’Or qu’à Charlevoix, les hardes isolées de caribous forestiers ont été placées en captivité après avoir subi des déclins majeurs au cours des dernières années, en raison des perturbations dans leurs habitats.
Pour le moment, le gouvernement Legault n’a pas de plan en vue d’une éventuelle remise en liberté de ces deux populations, qui vivent dans des régions où l’industrie forestière est très présente.
La Commission indépendante sur les caribous forestiers analyse toutefois deux scénarios « hypothétiques et théoriques » de protection de l’espèce. Tous deux comprennent des mesures supplémentaires de protection, mais l’un des scénarios élaborés par le MFFP serait mis en oeuvre « sans impact » additionnel pour l’industrie forestière.
Dans le cas de ce scénario, qui éviterait les éventuelles pertes financières pour l’industrie, le gouvernement prévoit que trois « populations » de caribous disparaîtraient. Il s’agit des caribous de la région de Val-d’Or, de ceux de Charlevoix et de ceux du secteur de Pipmuacan (couvrant le nord du Saguenay−Lac-Saint-Jean et une portion de la Côte-Nord). Dans les trois cas, « l’habitat est très perturbé », précise le document de consultation de la Commission.
Pour le moment, on ne sait pas si le gouvernement Legault décidera d’abandonner les deux hardes isolées qui ont été mises en captivité. Québec discute actuellement avec le gouvernement fédéral de la protection des caribous. Ottawa a menacé d’intervenir au Québec afin de protéger l’habitat essentiel de l’espèce, en vertu des dispositions de la Loi sur les espèces en péril.
Un total de 37 scientifiques québécois a aussi invité le mois dernier le gouvernement du Québec à utiliser des outils financiers afin de protéger les forêts matures de la province. Ils proposent ainsi de « comptabiliser les bienfaits » de la protection de ces écosystèmes, qui permettent à la fois de lutter contre la crise climatique et de préserver les habitats essentiels à la survie du caribou forestier.
COMBIEN Y A-T-IL DE CARIBOUS FORESTIERS AU QUÉBEC ?
Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs évaluait que le Québec comptait entre 6000 et 8500 caribous forestiers lors du dernier bilan complet, en 2012. Combien sont-ils aujourd’hui ? Impossible de le savoir.
Certains inventaires ont été effectués pour différentes populations régionales. Neuf des onze inventaires disponibles actuellement indiquent des déclins. Mais le document de consultation de la « Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards » ne présente pas de « population totale estimée ». On indique toutefois une « abondance minimale » de 5252, ce qui indiquerait un déclin de 20 % à 35 % de l’espèce en l’espace de 10 ans.