La mise en place d’un enclos de maternité est envisagée pour le printemps prochain.
Source: David Rémillard, Radio-Canada
La harde de caribous forestiers de Charlevoix a atteint un nouveau seuil critique, avec seulement 19 animaux observés cette année. Devant l’hécatombe, Radio-Canada a appris que le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) souhaitait installer un enclos de protection au printemps prochain.
Pour la petite histoire, les hardes de caribous forestiers de Charlevoix avaient disparu autour de 1920, avant que l’espèce ne soit réintroduite au début des années 70. L’animal y subsiste depuis sur un vaste territoire principalement situé dans le parc national des Grands-Jardins et une partie de la réserve faunique des Laurentides.
La population réintroduite a atteint un sommet de 126 individus en 1992. Un déclin s’est ensuite amorcé et s’est accéléré de façon vertigineuse au cours des dernières années.
La situation est maintenant plus critique que jamais, de l’avis même des biologistes du gouvernement. Selon le rapport d’inventaire aérien réalisé en mars dernier, dont Radio-Canada a obtenu copie, seuls 19 caribous ont été dénombrés lors de survols couvrant une superficie de 4000 kilomètres carrés.
Dans le lot, seuls deux faons ont été identifiés, confirmant l’incapacité de la harde à reprendre le dessus. Le nombre de naissances est trop faible pour compenser la mort des adultes
, peut-on lire.
En 2017, un autre inventaire du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) avait permis d’observer 56 animaux. Deux ans plus tard, ils n’étaient plus que 26. C’est donc dire qu’en à peine quatre ans, la taille de la harde a chuté de 66 %.
Cette importante diminution observée dans un si court intervalle confirme la situation critique de la population de caribous de Charlevoix.
À titre de comparaison, une autre harde isolée, celle de Val-d’Or, comptait 18 caribous en 2016. Il n’y en a plus que six aujourd’hui.
Habitat perturbé
Le déclin de la harde de Charlevoix s’expliquerait par au moins trois facteurs : la perte d’habitat, le dérangement causé par l’activité humaine ainsi que la pression importante des prédateurs que sont le loup et l’ours noir.
Selon le MFFP, l’habitat du caribou de Charlevoix est perturbé à plus de 80 %. L’industrie forestière, les activités récréotouristiques et le développement du réseau de chemins forestiers en sont les principales sources.
Le caribou est sensible au dérangement
, affirme Martin Arvisais, directeur de la gestion de la faune au MFFP pour la région de la Capitale-Nationale. Plus il y a de dérangement, plus il va passer du temps en vigilance. Et le temps qu’il passe en vigilance, il se fait au détriment du temps d’alimentation. Ça peut se répercuter, ultimement, sur sa reproduction.
Pour diminuer ce dérangement, le ministère a commencé cette année une opération de fermeture de certains chemins forestiers. Une dizaine de kilomètres ont ainsi été fermés dans le parc des Grands-Jardins.
Les coupes forestières, absentes dans les parcs nationaux, mais possibles dans la réserve faunique des Laurentides, ont quant à elles réduit le nombre de vieilles forêts dont le caribou a besoin pour sa survie. Il faut compter des décennies avant de voir l’habitat perdu se régénérer.
Des massifs forestiers fréquentés par la harde, notamment près du lac des Neiges, ont été protégés des coupes par le MFFP dès 2006 et d’autres ont été ajoutés en 2018 dans certains secteurs critiques, souligne Martin Arvisais. Ces protections n’ont toutefois pas empêché le déclin de la population.
Mise en enclos
Le Ministère veut maintenant intensifier ses mesures pour protéger les nouveau-nés des prédateurs, abondants dans l’habitat du caribou de Charlevoix. Comme à Val-d’Or, Québec souhaite installer un enclos de maternité pour protéger les faons.
On s’en va en appel d’offres au courant de l’hiver, pour bien cibler la superficie et l’endroit, annonce Martin Arvisais. Ce qu’on vise, c’est une mise en chantier rapide au printemps 2021.
Selon divers rapports du gouvernement et d’experts du caribou, le rajeunissement des forêts par la coupe forestière ou les incendies, le développement des chemins forestiers et l’abondance des populations d’orignaux ont contribué à l’augmentation des événements de prédation. On estime que l’efficacité, la mobilité et la densité des loups et des ours se sont accrues.
En 2014, le gouvernement a lancé son programme de contrôle de l’ours noir, en partenariat avec la nation huronne-wendat. À l’été 2020, 48 ours ont été retirés dans les aires de mise bas
, indique une porte-parole du MFFP.
Le loup est quant à lui piégé de manière plus intensive et Québec a formé près de 80 trappeurs supplémentaires cette année.
L’an dernier, le gouvernement autorisait exceptionnellement l’abattage de loups par hélicoptère dans Charlevoix grâce au suivi télémétrique. Si et seulement si un loup s’approchait trop près des caribous, il pourrait alors être abattu.
Aucun loup n’a été tué de cette manière dans Charlevoix depuis cette autorisation, selon le MFFP. L’abattage ciblé de loups menaçants s’approchant trop des caribous demeure une mesure de gestion exceptionnelle envisageable pour l’hiver 2020-2021.