La pression s’intensifie auprès du gouvernement pour protéger les hardes de caribous forestiers.

Publié le 19 novembre 2021

Source: David Rémillard, Radio-Canada


La Nation huronne-wendat accuse le gouvernement provincial de l’avoir exclue de plusieurs décisions récentes liées à son territoire ancestral et d’avoir détruit l’habitat du caribou de Charlevoix. « Il a la responsabilité à lui seul de le restaurer et de permettre au caribou de reprendre sa place », tranche le grand chef Rémy Vincent.

Les relations sont particulièrement tendues ces jours-ci entre Québec et Wendake au sujet du caribou. Avec moins d’une vingtaine de bêtes toujours en vie, la harde de Charlevoix est menacée d’une seconde disparition en moins d’un siècle.

Malgré la situation critique, le Bureau de la Nation huronne-wendat se dit écarté des décisions prises par Québec sur l’avenir du cheptel. Son chef se désole particulièrement des agissements du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP), qu’il accuse de décider de façon unilatérale.

On dit qu’on veut échanger de nation à nation. La définition que nous on fait de nation à nation, c’est peut-être pas celle qu’ils mettent en pratique présentement. J’espère que ça va être corrigé rapidement, mais, pour l’instant, c’est pas la bonne façon de faire, tonne Rémy Vincent en entrevue à Radio-Canada.

« Le gouvernement a une obligation de nous consulter sur ce qui se passe sur notre territoire et il en a fait fi. »

Rémy Vincent, grand chef de la Nation huronne-wendat

Le dernier écueil en lice concerne la décision de placer la harde en captivité. Un enclos de quelques hectares est actuellement en construction dans le parc national des Grands-Jardins. Les animaux restants seront capturés par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) cet hiver afin de les protéger des prédateurs que sont le loup et l’ours noir.

Selon le grand chef, les Hurons-Wendat n’ont jamais été consultés.

Matière à poursuite

Des lettres rappelant les responsabilités du Québec envers les peuples autochtones ont été acheminées par la Nation huronne-wendat au gouvernement au cours des derniers mois. Elles étaient adressées aux ministres Pierre Dufour (Forêts, Faune et Parcs) et Ian Lafrenière (Affaires autochtones).

Tout ce qui touche de près ou de loin au développement et à la préservation de son territoire, le Nionwentsïo, doit être discuté avec la Nation huronne-wendat, insiste Rémy Vincent, rappelant l’existence d’un jugement de la Cour suprême.

Le ministre [Pierre Dufour], probablement en voulant continuer de donner des droits de coupe à ses amis forestiers, a carrément décidé qu’il mettrait les caribous en enclos sans aucune consultation, ce qui constitue un motif de poursuite, décoche le grand chef.

Ce dernier n’écarte donc pas un recours aux tribunaux pour faire valoir les droits de sa communauté, bien qu’aucune décision n’ait encore été prise en ce sens. On n’a pas encore statué, mais toutes les possibilités sont analysées. Mais il y a matière à le faire, prévient-il. Je veux être clair, la matière est là.

D’accord avec les Innus

Cette sortie du grand chef huron survient quelques jours après celle des Innus des communautés de Mashteuiatsh et d’Essipit, également en lien avec la protection du caribou forestier.

À moins d’actions rapides et satisfaisantes de la part du gouvernement du Québec, nous sommes prêts à déposer un recours devant les tribunaux, afin d’exiger le respect de nos droits ancestraux et des mesures de protection immédiates de l’habitat du caribou, écrivaient-elles dans une lettre ouverte parue mardi.

Les Innus ont vivement dénoncé le report du dépôt de la Stratégie de protection du caribou forestier et montagnard, qui était attendue cet automne. Le ministre Pierre Dufour a plutôt annoncé la création d’une commission indépendante sur le caribou, dirigée par une spécialiste de l’économie forestière.

 

Les Innus ont cloué au pilori une commission jugée inutile ayant pour but de repousser à plus tard les actions concrètes qui doivent être posées pour sauvegarder le caribou.

Je suis totalement en accord avec la position des nations innues dans ce dossier-là, affirme Rémy Vincent. Dans le cas des Hurons-Wendat, l’animal était chassé jusque dans les années 40, souligne-t-il, avant que les forestières ne détruisent son habitat.

Les nations autochtones rappellent que l’animal fait partie de leur identité culturelle et est lié à leur savoir-faire traditionnel depuis plusieurs générations.

Rémy Vincent reproche aujourd’hui au ministère d’avoir laissé l’industrie forestière saccager la forêt. Le ministère des Forêts de la Faune et des Parcs a détruit l’habitat du caribou, accuse-t-il. Comme les Innus, il croit que Québec a maintenant la responsabilité de restaurer l’écosystème propice à sa survie.

Outre les nations autochtones, des groupes écologistes ont aussi menacé de recourir aux tribunaux pour forcer Québec à protéger le caribou et à restaurer son habitat.