En réponse à la lettre d’opinion de Jean-François Samray sur le caribou forestier, « Une médaille a toujours deux côtés » , publiée le 26 novembre

Source: La Presse
DANIEL FORTIN ET MARTIN-HUGUES ST-LAURENTRESPECTIVEMENT PROFESSEUR TITULAIRE EN ÉCOLOGIE ANIMALE À L’UNIVERSITÉ LAVAL ET PROFESSEUR TITULAIRE EN ÉCOLOGIE ANIMALE À L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À RIMOUSKI, CHERCHEURS SUR LE CARIBOU ET MEMBRES DE L’ÉQUIPE DE RÉTABLISSEMENT DU CARIBOU FORESTIER DU QUÉBEC

Nous souhaitons remercier Philippe Mercure pour son excellent éditorial publié dans La Presse le 22 novembre dernier.  Le texte rapporte avec exactitude l’information que nous lui avions transmise. Cette information repose sur les recherches que nous menons depuis plus de 15 ans sur le caribou forestier.

Dans son texte du 26 novembre, Jean-François Samray, du Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ), met en doute certaines informations rapportées dans l’éditorial de Philippe Mercure. M. Samray semble prétendre que la précarité des populations du caribou forestier au Québec serait le résultat d’un amalgame de facteur, incluant la chasse, l’étalement urbain, les changements climatiques, les maladies, la prédation et les chemins forestiers. Il nous apparaît essentiel de clarifier la situation.

Les populations du caribou forestier déclinent bien que la chasse sportive soit interdite au Québec depuis 20 ans. La majorité des communautés autochtones ont également cessé de les chasser pour ne pas accentuer le déclin.

Les populations de caribous sont actuellement établies suffisamment loin des villes pour éviter les effets de l’étalement urbain. Malgré la recherche intensive des 20 dernières années, aucune étude n’identifie les maladies et le parasitisme comme des facteurs influençant les populations du caribou forestier au Québec. Le fait que les frontières des zones écologiques se déplacent graduellement vers le nord n’implique certainement pas que les changements climatiques aient contribué au déclin des populations du caribou. En fait, nos travaux indiquent que, si le niveau de coupe actuel est maintenu, l’effet de la récolte de bois sur le caribou dépassera largement celui des changements climatiques.

Un lien étroit

Il ne faudrait pas laisser croire que les causes du déclin actuel des populations de caribous soient ambiguës. Les recherches démontrent un lien étroit entre l’étendue des perturbations causées par la coupe forestière, le taux de prédation et le déclin des populations de caribous forestiers. D’une part, le rajeunissement de la forêt par la coupe bénéficie à l’ours noir, un prédateur des faons du caribou. L’orignal profite également d’une nourriture particulièrement abondante dans les jeunes forêts, et la croissance de ses populations permet l’augmentation de la densité de loups. Le loup s’attaque à la fois aux faons et aux adultes. D’autre part, le réseau routier accroît l’efficacité de chasse des prédateurs. Le fait que les routes trouvent bon nombre d’usagers, comme le souligne M. Samray, ne réduit manifestement pas leur impact sur le caribou.

Nous croyons qu’il est essentiel de trouver des solutions pour rétablir les populations du caribou forestier, comme le veut la loi, tout en poursuivant la récolte de ressources naturelles essentielles aux Québécois. À cet égard, la recherche joue un rôle fondamental. Il ne faut toutefois pas laisser croire qu’un manque de connaissance permet de justifier des délais dans la mise en place des actions nécessaires à la préservation du caribou forestier.