Malgré le peu d’études sur le sujet et le fou concernant le projet, Québec va de l’avant.
Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs va tenter de capturer cet hiver les 17 caribous restants de la harde isolée de Charlevoix ainsi que les femelles gestantes de Gaspésie pour les mettre en captivité. Quant à ceux de Val-d’Or, en Abitibi-Témiscamingue, ils seront placés dans un enclos plus grand. Des situations temporaires, assure le ministère, qui ne peut néanmoins pas se prononcer sur la fin des mises en captivité.
Ça va devenir banal. On l’a fait à Val-d’Or, donc on peut le faire à Charlevoix, en Gaspésie… Vont-ils le faire aussi pour les caribous migrateurs du Nord?
se demande avec un demi-sourire Ronald Brazeau, le directeur du département des ressources naturelles de la communauté anichinabée de Lac-Simon, située à une trentaine de minutes de Val-d’Or.
À la base, en effet, la harde de caribous forestiers de Val-d’Or, qui est passée à sept têtes avec une naissance récente, ne devait pas rester en enclos. D’abord prévu pour les femelles le temps de mettre bas, le petit enclos est devenu l’habitat de toute la harde à l’année depuis bientôt deux ans.
Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) a même décidé, pour le bien-être des animaux, d’agrandir l’enclos, qui fera au total près de 15 hectares. Les caribous devraient bientôt y être transférés.
En présentant les détails sur les enclos des caribous forestiers, mercredi, les spécialistes du ont rappelé que la mise en enclos est une situation temporaire pour freiner la décroissance. C’est la mesure ultime pour les populations en situation précaire.
Dans la région de Charlevoix, même si les installations ne sont pas encore complètement terminées, les derniers caribous seront capturés cet hiver et mis dans un enclos d’environ 20 hectares dans le parc national des Grands-Jardins.
En Gaspésie, le des enclos de protection si nécessaire
. Soit des enclos à l’année.
Un projet pour combien de temps?
Selon le ministère, il s’agit d’un projet unique et de grande envergure
, censé être provisoire, pour tenter de protéger et de rétablir cette espèce désignée vulnérable au Québec depuis 2005.
Le pour acquis que ces installations sont temporaires
, même si les clôtures ont été faites dans l’objectif de durer un certain temps
.
De fait, personne ne semble pouvoir prévoir la durée de la captivité. Peu d’études existent dans le domaine, de l’aveu des experts du ministère. C’est une solution dans un panier de solutions pour conserver et rétablir les populations
, répète-t-on.
La suite des choses, y compris les remises en liberté, dépendra des conclusions de la commission indépendante mise sur pied par le gouvernement Legault à l’automne dernier, dans laquelle aucun spécialiste du caribou n’est inclus.
Ils ne les protègent pas, ils les maintiennent sous respirateur artificielDirecteur du département des ressources naturelles de Lac-Simon, Ronald Brazeau.
On attendait la stratégie de protection du caribou forestier
, maintes fois repoussée par Québec. Alors selon lui, de provisoire, ça devient provisoire à long terme
.
Ce n’est pas rassurant. Le ministère construit un plus gros enclos, sans compter tous les autres frais!
lance M. Brazeau.
Le coût de l’enclos de Val-d’Or est d’environ 750 000 $. Il est plus élevé pour les autres enclos : 1,1 million de dollars chacun, somme à laquelle s’ajoutent de 300 000 à 400 000 $ pour les installations connexes (électrification de la clôture, mangeoire, habitation du gardien, installations pour le vétérinaire) et des coûts récurrents de 100 000 $.
« Est-ce que ça veut dire que les caribous seront là pour le reste de leur vie? La seule réponse du gouvernement est de dire : on attend la stratégie. Mais nous, on l’attend depuis 2018 et on est rendu en 2022! »
Le ministère tire l’élastique à n’en plus finir
, lance la cheffe de Lac-Simon, Adrienne Jérôme. Elle reproche au gouvernement d’être complètement à côté de la track
et de continuer à favoriser l’exploitation forestière au détriment de l’habitat naturel du caribou.
Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs assure dialoguer officiellement et officieusement
avec les communautés autochtones et les consulter. Certaines sont mises à contribution.
Celle de Lac-Simon, par exemple, va ramasser du lichen pour pouvoir nourrir les bêtes, car il y en a très peu dans les enclos
, précisent les experts du ministère. La communauté a même fourni une roulotte l’an dernier. Un jeune participait à la surveillance de l’enclos, mais il a arrêté.
De là à parler de collaboration et de consultation, Adrienne Jérôme n’est pas d’accord. Elle reconnaît le travail des biologistes et des spécialistes du la relation avec le ministre devient de plus en plus toxique
, indique-t-elle. Selon elle, presque rien n’a changé depuis l’accord signé en 2018 avec Ottawa et trois communautés autochtones.
Les Anichinabés de Lac-Simon déplorent plutôt être mis devant le fait accompli. Par exemple, quand les caribous ont été mis en enclos en mars 2020, la communauté a dû sortir les souffleuses pour trouver du lichen
, raconte M. Brazeau. C’était broche à foin.
Des caribous s’alimentant dans une mangeoire de l’enclos à Val-d’Or. Source photo: Andréanne Lord, Lac Simon
Le ministère assure aussi que la nation huronne-wendat est mise à contribution en ce qui concerne la harde de Charlevoix, notamment pour la récolte de lichen. La communauté est pressentie pour l’opération de capture et aussi de battue dans l’enclos pour voir s’il y a des prédateurs
.
Toutefois, déjà en novembre dernier, le grand chef de la nation, Rémy Vincent, faisait part de son mécontentement sur le sujet. Il affirmait ne pas avoir été consulté pour l’enclos et n’écartait pas un recours aux tribunaux pour faire valoir les droits de sa communauté.
Les communautés innues d’Essipit, sur la Côte-Nord, et de Mashteuiatsh, au Lac-Saint-Jean, ont déjà menacé de recourir aux tribunaux si Québec ne prend pas de mesures concrètes pour protéger le caribou forestier.